Illusion de transparence

Sommaire

Tendance à surestimer la capacité des autres à deviner ce que nous pensons ou ressentons.

Points à retenir

1

Nous croyons à tort que nos émotions, pensées ou intentions sont évidentes pour les autres.

2

Ce biais survient fréquemment lors de situations stressantes, comme parler en public ou mentir.

3

Il peut générer de l'anxiété inutile, en nous faisant croire que notre malaise est perçu par tout le monde.

4

Il conduit aussi à des malentendus, en supposant que notre message a été parfaitement compris alors qu’il ne l’est pas.

Explication de l'illusion de transparence

L’illusion de transparence repose sur une mauvaise estimation de la manière dont nos états internes (émotions, pensées, intentions) sont perçus par autrui. Nous avons tendance à croire que ce que nous ressentons ou pensons est plus visible, plus évident pour les autres qu’il ne l’est en réalité. Autrement dit, nous supposons que notre intériorité est transparente. Ce biais découle en partie d’un phénomène plus large : le centrisme égocentrique. En effet, comme nos pensées sont très présentes pour nous, nous avons du mal à imaginer qu’elles ne le sont pas aussi pour les autres.

Cette illusion s’observe dans de nombreuses situations : lors d’un mensonge, d’un malaise, ou encore dans une discussion où l’on suppose que notre point de vue a été clairement exprimé. Ce biais peut engendrer de l’incompréhension et de la frustration. Par exemple, une personne anxieuse lors d’un entretien d’embauche peut croire que son stress est évident et que cela joue contre elle, alors que ce n’est pas nécessairement visible pour le recruteur. À l’inverse, une personne qui donne des explications peut s’imaginer avoir été limpide, alors que son interlocuteur est en réalité perdu ou confus.

L’illusion de transparence est renforcée par un autre biais : l’effet projecteur (spotlight effect). Celui-ci nous pousse à surestimer le degré d’attention que les autres nous portent. Ensemble, ces deux biais nous enferment dans une perception erronée où nous sommes au centre de toutes les attentions, et où nos états internes paraissent diffusés comme à travers une vitre sans tain.

Un autre aspect intéressant est que ce biais est souvent asymétrique. Nous pensons que nos propres émotions sont lisibles, mais nous peinons à percevoir celles des autres. Cela peut créer des décalages dans les interactions sociales : par exemple, attendre de la part d’un collègue ou d’un partenaire qu’il comprenne notre malaise ou nos attentes implicites, alors que rien ne lui permet vraiment de le deviner.

L’illusion de transparence est donc un biais courant et insidieux, qui peut affecter aussi bien la communication personnelle que professionnelle. En prendre conscience permet de mieux ajuster nos interactions : oser formuler clairement nos pensées, ne pas supposer que les autres « devinent », et ne pas surinterpréter ce que nous croyons qu’ils perçoivent de nous.

Origine de l'illusion de transparence

L’illusion de transparence a été formalisée au début des années 2000 par deux psychologues américains : Thomas Gilovich et Kenneth Savitsky, chercheurs en psychologie sociale. Dans une série d’expériences menées avec leurs collègues, ils ont mis en évidence ce biais en étudiant comment les individus surestiment la lisibilité de leurs émotions et pensées dans des contextes variés.

Une étude marquante fut celle où des participants devaient raconter un mensonge. Ceux qui mentaient pensaient que leur malaise trahissait leur supercherie, alors que les observateurs avaient bien du mal à les démasquer. Dans une autre expérience, des personnes devaient parler en public, et les chercheurs ont constaté que les orateurs évaluaient leur propre nervosité comme très perceptible, bien plus que ne le percevait l’audience. Ces résultats ont permis de démontrer que nous avons une tendance robuste à surestimer la transparence de notre monde intérieur.

L’illusion de transparence est considérée comme une extension du biais égocentrique, une tendance humaine bien documentée selon laquelle nous utilisons notre propre point de vue comme référence pour juger les autres. Nous avons naturellement du mal à nous extraire de notre propre perspective, un phénomène que l’on retrouve aussi dans d’autres biais, comme l’effet de faux consensus (croyance que les autres partagent nos opinions) ou encore le biais de perspective chez les enfants, mis en évidence dans les travaux de Jean Piaget.

D’un point de vue évolutif, ce biais pourrait être lié à l’importance du lien social dans notre espèce. Être attentif à ce que les autres perçoivent de nous a sans doute eu un avantage adaptatif, en facilitant l’intégration dans les groupes et la régulation des comportements sociaux. Cependant, dans des contextes modernes où la communication est plus complexe et les signaux sociaux moins directs, cette sensibilité peut devenir excessive et source de malentendus.

Ce biais illustre aussi les limites de notre théorie de l’esprit, c’est-à-dire notre capacité à comprendre que les autres ont des pensées et des émotions distinctes des nôtres. Si cette capacité est bien développée chez l’humain, elle n’est pas infaillible, et l’illusion de transparence en est un bon exemple. Elle nous rappelle que ce que nous ressentons n’est pas aussi visible que nous l’imaginons, et que pour être compris, il est souvent nécessaire d’exprimer clairement ce que l’on vit.

Exemples de l'illusion de transparence

Prise de parole en public

Les orateurs pensent souvent que leur nervosité est flagrante, alors que le public ne remarque rien.

Relations sociales

Un individu contrarié suppose que ses proches comprennent forcément pourquoi, sans avoir besoin de s’exprimer clairement.

Jeux de bluff

Un joueur de poker peut croire que son adversaire perçoit facilement son mensonge à travers ses expressions faciales.

Communication au travail

Les managers supposent parfois que leurs consignes sont limpides, sans vérifier si elles ont bien été comprises.

Pour aller plus loin

Illusion de transparence - Shortcogs

7 conseils pour lutter contre le biais d'illusion de transparence - Les echos

Illusion de Transparence - Podcast Science

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