Effet projecteur

Sommaire

Tendance à surestimer à quel point nos actions, notre apparence ou nos erreurs sont remarquées par les autres.

Points à retenir

1

L'effet projecteur nous pousse à croire que les autres nous observent et nous jugent plus qu’ils ne le font réellement

2

Il est particulièrement fort dans les situations où l’on se sent embarrassé ou différent.

3

Ce biais est lié à notre point de vue égocentré : nous sommes le centre de notre propre univers, donc nous pensons l’être pour les autres.

4

Il peut engendrer du stress social, de la gêne excessive ou une peur injustifiée du jugement d’autrui.

Explication de l'effet projecteur

L’effet projecteur repose sur un phénomène psychologique bien documenté : notre tendance naturelle à accorder une attention excessive à notre propre comportement, à notre apparence et à nos erreurs. Puisque nous sommes les principaux observateurs de notre vie, nous avons l’impression que les autres nous observent avec la même intensité que nous-mêmes. Ce biais provient donc d’un égocentrisme cognitif, une disposition naturelle à partir de notre propre perspective pour estimer celle des autres.

En réalité, chacun étant absorbé par ses propres préoccupations, les gens prêtent beaucoup moins d’attention à autrui qu’on ne le croit. Pourtant, l’effet projecteur nous pousse à croire que tout faux pas, tout détail de notre tenue, ou toute maladresse verbale est remarqué et analysé par notre entourage.

Ce phénomène est renforcé par l’anxiété sociale et les situations inhabituelles ou nouvelles. Par exemple, lorsqu’une personne porte un vêtement qu’elle juge trop voyant ou fait une erreur publique, elle peut croire que cette action devient le centre d’attention des autres, alors qu’en réalité, la plupart ne la remarquent pas ou l’oublient très vite.

Ce biais peut être comparé à l’illusion de transparence, qui est la croyance selon laquelle nos émotions internes (comme le stress ou la nervosité) sont plus visibles aux autres qu’elles ne le sont en réalité. Dans les deux cas, nous partons de notre propre ressenti comme point de départ pour juger de ce que les autres perçoivent, ce qui engendre une distorsion.

Comprendre l’effet projecteur permet de relativiser certaines situations de gêne sociale et de réduire le stress inutilement généré par la peur du regard des autres. Il nous rappelle que, bien souvent, les autres ne nous scrutent pas autant que nous le pensons – eux aussi sont pris dans leur propre « projecteur ».

Origine de l'effet projecteur

L’effet projecteur a été formalisé au début des années 2000 par les psychologues sociaux Thomas Gilovich, Victoria Husted Medvec et Kenneth Savitsky. Leur objectif était de mieux comprendre pourquoi les individus ont tendance à surestimer l’attention que leur portent les autres, en particulier dans des situations de gêne ou de malaise social.

L’étude fondatrice, publiée en 2000 dans le Journal of Personality and Social Psychology, s’intitulait « The Spotlight Effect in Social Judgment: An Egocentric Bias in Estimates of the Salience of One’s Own Actions and Appearance ». Les chercheurs y ont conduit une série d’expériences, dont la plus célèbre reste celle du t-shirt de Barry Manilow. Les participants, gênés de devoir porter ce vêtement perçu comme ridicule, pensaient que presque tout le monde dans la pièce l’avait remarqué. Or, les observations des chercheurs ont montré que les autres participants n’y prêtaient qu’une attention minime, voire inexistante.

Cette étude a mis en lumière un biais égocentrique profondément ancré dans nos processus mentaux : comme nous sommes le centre de notre propre expérience, nous projetons cette centralité sur le monde social. En d’autres termes, nous avons du mal à nous extraire de notre point de vue subjectif pour estimer objectivement ce que les autres perçoivent de nous.

L’effet projecteur trouve aussi ses racines dans le développement cognitif. Les enfants, par exemple, ont une forte tendance égocentrique, pensant que leurs pensées sont partagées ou comprises naturellement par les autres. Bien que cette tendance s’atténue avec l’âge, elle ne disparaît pas totalement à l’âge adulte. L’effet projecteur en est une manifestation résiduelle dans les relations sociales quotidiennes.

L’équipe de Gilovich a ensuite élargi ses recherches pour explorer des biais connexes, comme l’illusion de transparence, ou encore l’illusion d’unanimité, qui concerne notre tendance à croire que nos opinions sont plus largement partagées qu’elles ne le sont vraiment. Tous ces biais témoignent d’une difficulté persistante à se décentrer cognitivement de soi-même pour estimer correctement la perspective d’autrui.

Ces découvertes ont eu un impact important dans les domaines de la psychologie sociale, de l’éducation et de la gestion du stress, notamment en aidant à développer des outils pour réduire l’anxiété sociale. En prenant conscience de l’effet projecteur, les individus peuvent apprendre à relativiser leurs erreurs ou leurs différences, en se rappelant que, bien souvent, les autres sont bien plus absorbés par eux-mêmes que par nous.

Exemples de l'effet projecteur

Erreur en public

Une personne qui trébuche dans la rue pense que tout le monde l’a vue, alors que la plupart des passants n’y prêtent pas attention.

Adolescence

Les adolescents ont souvent l’impression qu’un bouton sur leur visage ou un vêtement mal choisi est remarqué par tous.

Tenue vestimentaire

Quelqu’un qui porte un vêtement inhabituel ou original suppose qu’il attire tous les regards, même si ce n’est pas le cas.

Présentations orales

Un étudiant croit que chaque hésitation ou faute de langage est perçue par l’ensemble du public, alors que cela passe souvent inaperçu.

Pour aller plus loin

Pourquoi avons-nous l'impression de nous démarquer - The Decision Lab

Comment surmonter l’effet de projecteur - Penser Changer

Non, nous ne sommes vraiment pas le centre du monde - Welcome to the Jungle

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