Illusion monétaire

Sommaire

Tendance à évaluer différemment la valeur de l'argent selon son format ou son contexte, affectant nos décisions financières.

Points à retenir

1

L'illusion monétaire survient lorsque les individus perçoivent différemment la valeur de montants d'argent identiques en fonction de leur forme (espèces, chèques, crédits) ou de leur contexte (petites ou grandes coupures).

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Les petites dénominations sont souvent perçues comme ayant moins de valeur que les grosses coupures, même si la valeur totale est identique, ce qui peut influencer les dépenses.

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Cette illusion peut amener les consommateurs à dépenser plus lorsqu'ils utilisent des cartes de crédit par rapport à l'argent liquide, sous-estimant la quantité d'argent réellement dépensée.

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L'illusion monétaire affecte non seulement les décisions individuelles mais aussi les politiques économiques, notamment dans la perception de l'inflation et la gestion de la monnaie.

Explication du biais

L’illusion monétaire est un biais cognitif qui affecte la perception de la valeur de l’argent en fonction de son contexte, son format, ou sa dénomination, influençant ainsi le comportement de dépense des individus. Ce biais se manifeste lorsque les gens attribuent une valeur différente à des sommes d’argent identiques en raison de facteurs non économiques. Il peut être comparé à des biais similaires dans le domaine de la prise de décision financière, comme le biais d’ancrage, où les premières informations reçues influencent fortement les décisions ultérieures.

L’effet de l’illusion monétaire peut être expliqué par la théorie de la comptabilité mentale, développée par Richard Thaler. Cette théorie suggère que les gens divisent leur argent en différents « comptes » mentaux pour des usages spécifiques (comme les dépenses quotidiennes, les économies, les fonds de vacances, etc.), ce qui peut mener à des évaluations irrationnelles des coûts et des bénéfices. Par exemple, dépenser de petites sommes régulièrement par carte de crédit peut sembler moins significatif que de retirer une grande somme en espèces, bien que le total dépensé puisse être le même.

De plus, la familiarité avec différentes formes de monnaie peut aussi jouer un rôle. Les études montrent que les individus sont plus enclins à dépenser des devises moins familières ou des devises perçues comme « monopoly money », telles que les points de fidélité ou les crédits virtuels, que de l’argent réel.

Les recherches en neuroéconomie offrent des insights sur comment le cerveau traite les valeurs relatives lors des décisions impliquant de l’argent. Des zones spécifiques du cerveau, comme le cortex préfrontal et le striatum ventral, sont activées différemment selon que l’argent est présenté sous forme physique ou abstraite. Ces différences de traitement cérébral peuvent contribuer à l’effet de l’illusion monétaire, où les gens réagissent de manière différente à la même quantité d’argent basée sur sa forme.

En outre, l’illusion monétaire peut également être renforcée par l’effet de contraste, un autre biais cognitif. Cet effet décrit comment la perception de deux objets présentés l’un après l’autre peut être altérée, rendant la différence entre eux plus prononcée. Dans le contexte monétaire, par exemple, une grosse coupure de 100 euros est souvent perçue comme ayant une valeur supérieure à cinq billets de 20 euros, même si la valeur nominale est identique.

Origine du biais

L’origine du concept de l’illusion monétaire peut être tracée à travers plusieurs champs d’étude, mais elle prend une place significative dans la psychologie économique et la théorie comportementale de la finance. Ce biais a été largement étudié et formalisé dans le cadre des recherches sur la manière dont les individus évaluent et réagissent à l’argent, soulignant des aspects irrationnels dans le comportement économique des consommateurs.

Le concept d’illusion monétaire est souvent lié aux travaux de l’économiste John Maynard Keynes, qui a évoqué cette idée dans les années 1930. Keynes a discuté de la manière dont les gens réagissent de manière disproportionnée aux changements nominaux par rapport aux changements réels dans leurs revenus ou les prix, un phénomène qu’il a attribué à une « illusion monétaire ». Cependant, c’est dans les travaux plus récents des psychologues cognitifs et des économistes comportementaux que le terme a été défini plus précisément et testé empiriquement.

Richard Thaler, un des pionniers de l’économie comportementale, a joué un rôle crucial dans l’étude de l’illusion monétaire au sein de la comptabilité mentale. Il a exploré comment les gens segmentent leurs choix financiers dans des « comptes » mentaux qui ne reflètent pas nécessairement la réalité économique, affectant ainsi leurs décisions de dépense et d’investissement. Cette segmentation peut exacerber l’illusion monétaire, car les individus peuvent traiter de manière différente des sommes d’argent équivalentes selon le contexte.

Dans les années 1990 et au-delà, des chercheurs tels que Eldar Shafir, Itamar Simonson, et Amos Tversky ont également contribué à la compréhension de ce biais en étudiant comment les contextes de choix affectent la perception de la valeur monétaire. Leurs travaux ont aidé à démontrer que la manière dont les options sont présentées (par exemple, en termes de gains ou de pertes) peut influencer la perception de la valeur de l’argent, illustrant l’impact de l’illusion monétaire sur le comportement de consommation.

En neuroéconomie, les études ont commencé à examiner les bases neurales qui sous-tendent l’illusion monétaire, suggérant que certains circuits dans le cerveau peuvent réagir différemment selon que l’argent est perçu comme « réel » ou « imaginaire » (comme dans le cas des points de récompense ou de l’argent virtuel). Ces recherches montrent que les réponses neuronales à la valeur monétaire peuvent être conditionnées par des facteurs psychologiques et contextuels qui dépassent les calculs économiques simples.

Exemples

Achats quotidiens

Les consommateurs sont plus enclins à dépenser de petites coupures ou à utiliser des cartes de crédit pour des achats impulsifs, percevant ces formes de paiement comme moins 'réelles' que de grandes coupures.

Politique monétaire

Les gouvernements peuvent manipuler l'illusion monétaire en modifiant la dénomination des billets lors d'une inflation galopante pour donner l'illusion de stabilité économique.

Marketing

Les marketeurs utilisent souvent des prix juste en dessous d'un nombre rond (comme 9,99 $ au lieu de 10 $) pour exploiter l'illusion monétaire, incitant les consommateurs à percevoir le produit comme significativement moins cher.

Investissements

Les investisseurs peuvent sous-évaluer les gains ou les pertes en pourcentage lorsque ceux-ci sont présentés en termes de points de pourcentage plutôt qu'en valeur monétaire concrète, affectant les décisions d'investissement.

Pour aller plus loin

Illusion monétaire, rigidité des prix et des salaires - Captain Economics

Illusion monétaire, éviter les pièges de la pensée - La Toupie

L’illusion monétaire… et pourquoi vous en êtes victime - La chronique Agora

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