Effet de dotation

Sommaire

Tendance à attribuer plus de valeur aux objets dès lors qu’ils sont en notre possession, indépendamment de leur valeur objective réelle.

Points à retenir

1

Ce biais amène les individus à estimer que les objets qu'ils possèdent sont plus précieux que s'ils ne les possédaient pas, même si l'objet est identique à d'autres disponibles.

2

Ce phénomène est souvent amplifié par notre réticence à perdre, faisant en sorte que perdre un objet semble plus grave que de ne pas acquérir un objet similaire.

3

Il peut conduire à des comportements irrationnels sur les marchés, tels que refuser de vendre des biens à leur valeur marchande ou accumuler des objets inutilisés.

4

Bien qu'universel, l'intensité de ce biais peut varier en fonction du contexte culturel et des situations, influençant différemment les comportements économiques et de consommation.

Explication du biais

L’effet de dotation est un phénomène psychologique où les individus attribuent une valeur plus élevée aux objets simplement parce qu’ils les possèdent, par rapport à s’ils ne les possédaient pas. Ce biais met en lumière comment notre attachement personnel à des objets peut influencer notre jugement objectif, le distordant en faveur de ce qui nous appartient.

Ce biais peut être comparé à d’autres biais cognitifs, tels que l’aversion à la perte. L’aversion à la perte est un phénomène où les individus préfèrent éviter les pertes plutôt que d’obtenir des gains équivalents. Dans le cadre de l’effet de dotation, cette tendance est amplifiée car les individus non seulement surestiment la valeur de ce qu’ils possèdent, mais ressentent également une potentialité de perte plus grande en se séparant de l’objet. Cela rend les objets personnels disproportionnellement plus précieux, simplement à cause de leur possession.

La nature irrationnelle de l’effet de dotation peut être expliquée par plusieurs mécanismes psychologiques. Tout d’abord, il y a la cohérence cognitive : les gens s’efforcent de maintenir une image interne cohérente. Admettre que quelque chose qu’ils possèdent n’est pas aussi précieux qu’ils le pensaient pourrait menacer cette cohérence. Deuxièmement, il y a la théorie de l’engagement, qui suggère que une fois que les gens prennent une décision, comme l’achat d’un objet, ils sont susceptibles de la justifier en augmentant subjectivement la valeur de l’objet.

En outre, l’effet de dotation est souvent exacerbé par le contexte dans lequel les biens sont acquis ou possédés. Par exemple, des objets reçus en cadeau ou ceux associés à des souvenirs spécifiques peuvent acquérir une valeur sentimentale qui dépasse leur valeur utilitaire ou marchande. Ces objets deviennent des extensions de notre identité et de nos souvenirs personnels, ce qui renforce encore notre réticence à les perdre.

Cette réticence est visible dans des domaines variés, des marchés financiers, où les investisseurs refusent de vendre des actions à perte, espérant irréaliste une remontée; au quotidien, où les individus accumulent des objets sans utilité réelle. L’impact économique de l’effet de dotation est profond, influençant les comportements de consommation, les stratégies marketing, et même les politiques publiques concernant la taxation et la régulation des biens.

L’effet de dotation illustre un défi central de l’économie comportementale : les valeurs que nous attribuons aux biens ne sont pas toujours ancrées dans une évaluation objective, mais sont fortement teintées par des perceptions subjectives et des contextes psychologiques. Reconnaître et comprendre ce biais peut aider à mieux naviguer dans nos choix économiques et personnels, en cherchant des moyens de contrebalancer nos inclinations naturelles pour une prise de décision plus rationnelle.

Origine du biais

L’origine de l’effet de dotation a été très étudiée et documentée dans le domaine de la psychologie économique, en particulier par Richard Thaler, un économiste comportemental renommé. Thaler a été l’un des premiers à formaliser et à nommer l’effet de dotation dans les années 1980. Il a identifié ce biais à travers des expériences qui démontraient que les gens attribuaient une valeur plus élevée aux choses simplement parce qu’ils les possédaient, une observation qui défie la théorie économique classique selon laquelle un agent rationnel devrait évaluer les biens de manière égale, qu’il les possède ou non.

L’effet de dotation repose sur des bases psychologiques profondes liées à la manière dont les êtres humains évaluent les pertes et les gains. Selon Thaler et d’autres chercheurs en économie comportementale, comme Daniel Kahneman et Amos Tversky, qui ont développé la théorie des perspectives, les individus ressentent la douleur de la perte plus intensément que le plaisir d’un gain équivalent. Cette sensibilité asymétrique aux pertes par rapport aux gains renforce l’effet de dotation, car les gens perçoivent la perte d’un bien possédé comme étant plus significative que l’avantage d’acquérir un bien de valeur similaire.

Au-delà des contributions de Thaler, l’effet de dotation a été intégré dans de nombreuses études ultérieures qui ont exploré ses implications dans divers contextes, tels que le comportement du consommateur, la négociation, et la politique publique. Les chercheurs ont également examiné comment les facteurs culturels peuvent influencer la force de l’effet de dotation, notant que dans certaines cultures où la possession matérielle est moins valorisée, l’effet peut être moins prononcé.

L’intérêt pour l’effet de dotation s’est étendu au-delà de l’économie comportementale pour toucher des domaines tels que la psychologie environnementale, où il peut aider à expliquer pourquoi les gens sont réticents à abandonner des pratiques ou des technologies nuisibles à l’environnement qu’ils utilisent depuis longtemps. De même, en psychologie sociale, il aide à comprendre comment les individus valorisent leurs groupes sociaux ou leurs idées simplement parce qu’ils y sont fortement investis.

En résumé, l’origine de l’effet de dotation peut être attribuée à la recherche fondamentale en économie comportementale et est étroitement liée à notre compréhension de la cognition humaine et de la prise de décision. La reconnaissance de ce biais par des figures comme Richard Thaler a non seulement élargi notre compréhension des marchés mais a également approfondi notre connaissance de la nature humaine elle-même.

Exemples

Transactions personnelles

Un collectionneur résiste à vendre un article de sa collection à un prix raisonnable, surestimant sa valeur simplement parce qu’il lui appartient.

Marketing

Les entreprises utilisent ce biais en offrant des échantillons gratuits ou des périodes d'essai, sachant que les consommateurs tendent à valoriser plus fortement le produit une fois qu'il est en leur possession, les rendant ainsi plus enclins à effectuer un achat.

Immobilier

Un propriétaire demande un prix excessivement élevé pour sa maison, la valorisant au-delà des normes du marché en raison des souvenirs et émotions associés, ce qui rend les négociations plus complexes.

Finance

Un investisseur garde des actions perdantes trop longtemps, influencé par un attachement excessif et une surévaluation de ses investissements initiaux, résultant souvent en des pertes substantielles.

Pour aller plus loin

Effet de dotation, éviter les pièges de la pensée - La Toupie

L'effet de dotation : Le défi de Kahneman et Tversky - Tomorrow Bio

L'effet de dotation (aversion à la dépossession) - Broker Forex

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