Points à retenir
L’effet de bizarrerie repose sur le fait que des éléments inattendus captent davantage l’attention et sont mieux encodés en mémoire.
Ce biais agit principalement sur la mémoire à long terme, en favorisant le rappel des informations jugées incongrues ou peu communes.
Plus une information diffère de son contexte habituel, plus elle a de chances d’être mémorisée.
Il est souvent exploité dans la publicité, l’éducation ou les techniques de mémorisation pour renforcer l’impact des messages.
Explication de l'effet de bizarrerie
L’effet de bizarrerie désigne notre tendance à mieux retenir des informations étranges, surprenantes ou inattendues par rapport à des éléments plus ordinaires ou banals. Il s’agit d’un biais de mémorisation qui repose sur un mécanisme simple : notre cerveau accorde plus d’attention à ce qui sort de la norme, ce qui lui permet de mieux encoder ces éléments en mémoire, et donc de les retrouver plus facilement par la suite.
Lorsque nous traitons une information « bizarre », notre esprit est surpris ou interpellé, ce qui interrompt le traitement automatique que nous faisons habituellement des informations familières. Cette rupture de schéma génère un effort cognitif plus important, qui renforce l’encodage de l’information en mémoire. En d’autres termes, plus quelque chose se démarque du reste, plus notre cerveau le considère comme potentiellement important ou pertinent, et le mémorise mieux.
Des expériences classiques ont montré ce phénomène. Par exemple, lorsqu’on présente à des participants une liste de phrases simples (« Le chat dort », « L’homme mange ») dans laquelle on insère une phrase bizarre comme « Le cheval chante », cette dernière est mémorisée plus facilement que les autres, même si elle est grammaticalement correcte mais sémantiquement absurde. C’est cette incongruité qui crée un effet de saillance.
L’effet de bizarrerie peut être rapproché de l’effet Von Restorff (ou effet d’isolement), qui indique qu’un élément visuellement ou contextuellement distinct est mieux mémorisé. Mais là où l’effet Von Restorff insiste sur la différence perceptible (couleur, forme, position), l’effet de bizarrerie agit surtout sur le contenu sémantique ou narratif : ce qui est étrange, drôle, grotesque ou inattendu au niveau du sens a plus d’impact.
Ce biais a des applications concrètes dans plusieurs domaines. En éducation, il peut être utilisé pour faciliter l’apprentissage à travers des exemples marquants ou incongrus. En publicité, il sert à capter l’attention et à rendre un message plus mémorable. En communication, il permet de créer des récits ou des visuels qui sortent de l’ordinaire pour marquer les esprits. Certaines techniques de mémorisation (comme les palais de mémoire) s’appuient sur des images mentales très étranges pour mieux ancrer l’information.
Cependant, l’effet de bizarrerie a aussi ses limites. Une information trop absurde peut être mémorisée en elle-même… mais déconnectée de son contexte, ou au contraire nuire à la compréhension du message global. Il s’agit donc de trouver un équilibre entre l’originalité et la clarté.
L’effet de bizarrerie révèle que notre mémoire n’est pas neutre : elle privilégie ce qui étonne, dérange ou amuse, au détriment parfois de ce qui est rationnel ou attendu.
Origine de l'effet de bizarrerie
L’effet de bizarrerie a été identifié et étudié dans les années 1970 par des chercheurs en psychologie cognitive intéressés par les mécanismes de la mémoire à long terme, notamment Franklin M. Bartlett, puis plus systématiquement par McDaniel et Einstein dans les années 1980. Ces derniers ont mis en place des expériences visant à comprendre pourquoi certaines informations étaient mieux retenues que d’autres, même lorsqu’elles avaient une valeur logique ou pratique moindre.
Dans leurs études, les participants devaient mémoriser des listes de phrases contenant des éléments soit ordinaires, soit inhabituels ou absurdes. Les résultats ont montré que les phrases étranges, du type « Le chien conduit une voiture », étaient significativement mieux rappelées que des phrases banales, comme « L’homme lit un journal ». Cette meilleure mémorisation ne dépendait ni de la longueur de la phrase ni de la fréquence des mots, mais bien du caractère incongru ou surprenant de l’information.
L’effet de bizarrerie a ensuite été approfondi dans les années 1990 et 2000, notamment par William Madigan et d’autres chercheurs, qui ont confirmé que ce biais reposait sur deux processus cognitifs clés : l’attention accrue provoquée par la bizarrerie, et l’encodage distinctif en mémoire. Ces deux mécanismes combinés expliquent pourquoi une information étrange est non seulement plus facile à repérer au moment où on la perçoit, mais aussi plus facile à rappeler plus tard.
Sur le plan neurologique, l’effet de bizarrerie pourrait mobiliser certaines zones associées à la surprise ou à la détection de nouveauté, notamment le cortex préfrontal, qui joue un rôle dans l’évaluation de la pertinence d’une information, et l’hippocampe, impliqué dans la consolidation de la mémoire. Des études en neuroimagerie ont montré que les stimuli incongrus génèrent une activation plus importante dans ces régions, ce qui soutient l’hypothèse d’un traitement plus profond de l’information.
Dans une perspective évolutionniste, ce biais pourrait avoir une valeur adaptative : se souvenir d’un événement inhabituel ou étrange (comme un comportement inattendu d’un animal ou un changement soudain dans l’environnement) pouvait être crucial pour anticiper des dangers ou des opportunités. Ainsi, notre mémoire aurait été façonnée pour accorder plus d’importance au bizarre, au détriment parfois du banal ou du familier.
Aujourd’hui, l’effet de bizarrerie est exploité dans les domaines de la communication, du marketing, de la pédagogie et des techniques mnémotechniques. Il fait également l’objet de recherches continues en psychologie expérimentale pour mieux comprendre les facteurs qui modulent son impact, comme le niveau de bizarrerie, le contexte, l’âge ou les différences individuelles dans la perception de l’étrangeté.
Exemples de l'effet de bizarrerie
Publicité
Les campagnes qui utilisent de l’humour absurde ou des images choquantes peuvent marquer les esprits grâce à leur étrangeté.
Apprentissage
Les élèves retiennent plus facilement une règle grammaticale illustrée par un exemple drôle ou inattendu.
Réseaux sociaux
Une publication étrange ou inhabituelle peut devenir virale car elle attire plus l’attention et reste en mémoire.
Témoignages
Les gens se souviennent mieux d’un événement raconté avec un détail insolite, même si ce détail n’est pas important.